L’Homme politique
L’Homme politique
Il exerce ainsi, dans notre ville et dans notre département, un magistère moral qui s'étend au loin et lui confère auprès des hommes politiques une autorité qu'un événement tragique va bientôt le mettre en mesure d'exercer dans la politique active elle-même.
12 août 1951. Pierre Chevallier, député-maire d'Orléans, est assassiné. Les amis politiques de ce dernier désignent Roger Secrétain, qui n'avait pas revendiqué cette succession, pour se présenter au siège de député devenu libre. Il est élu le 4 novembre 1951 et sera député du Loiret jusqu'aux élections du début de janvier 1956, où il connaîtra l'échec.
A l'Assemblée nationale, Roger Secrétain acquiert rapidement une enviable autorité, par son talent et par le sérieux du labeur qu'il y déploie. Entré au même groupe que Pierre Chevallier, l'U.D.S.R. (Union démocratique et socialiste de la Résistance), il y côtoie des hommes comme le président du Conseil, René Pleven, comme le déjà ministre, et futur président de la République, François Mitterrand.
Il devient bientôt président de ce groupe, lequel joua un rôle charnière dans la vie parlementaire. Il est appelé à faire partie, en 1954, d'un cabinet ministériel (Christian Pineau) auquel l'Assemblée n'accordera pas l' investiture.
Son activité parlementaire ne lui a pas fait abandonner, ni même ralentir, son activité d'éditorialiste. Aussi, lorsque l'échec électoral le libère de la vie politique, est-il rendu à sa première véritable vocation. Entre-temps, il est entré au conseil municipal d'Orléans (1953).
Réélu en 1959, à la tête d'un petit groupe centriste qui prenait place dans la majorité, où le gaullisme avait une large part, c'est à lui que fut offerte la place de maire. En avait-il rêvé ? En tout cas on peut dire que cette accession fut pour lui le véritable épanouissement dans la vie publique et qu'il y trouva beaucoup plus de satisfactions que dans le mandat parlementaire où les “jeux de la politique” lui paraissaient le plus souvent dérisoires et dangereux pour la démocratie, loin des problèmes réels. Il pourra bientôt écrire : “La gestion directe d'une collectivité vivante, l'administration positive des choses ont à mes yeux quelque chose de sain. C'est la revanche du concret sur la réthorique.”
Un long article serait nécessaire tout entier pour rendre compte, sommairement, de ce que furent les douze années de mandat de Roger Secrétain à la mairie d'Orléans. Tout de suite s'imposera un style d'administration conforme à son souci de l'efficacité et aux buts de fécondité (deux mots pour lesquels il avait une dilection) qu'il se proposait, basant ses rapports avec ses collègues et ses collaborateurs sur la confiance, la bienveillance dans l'exigence, l'objectivité et la considération des autres, et l'exemple du labeur.
Il sut sans à-coups accomplir et faire accomplir une œuvre considérable, développant et amplifiant l'action de deux maires réalisateurs qui l'avaient précédé, le docteur Chevallier, dont il était l'ami et le confident, et le docteur Ségelle, avec lequel il avait lié des rapports étroits dans la Résistance. Il fut aidé par le crédit qu'il avait acquis auprès des hommes d'Etat qui furent en charge des affaires nationales à cette époque, encore qu'il se sentait péniblement ligoté par le système encore outrancièrement centralisé de la France auquel il eut à s'opposer auprès des représentants locaux du pouvoir central.
On n'aura pas oublié que c'est à lui, essentiellement, qu'est due la création - la résurrection - de l'Université d' Orléans, avec la grande opération d'urbanisme de La Source, le développement des quartiers périphériques, le Palais des sports, le Théâtre municipal et la Maison de la Culture, le Centre Charles Péguy, le Centre Jeanne-d'Arc. Il s'attacha au prestige d' Orléans, avec les fêtes de Jeanne d'Arc et la création de jumelages exemplaires et féconds. Il sut admirablement profiter des données plus favorables qu'offrait la conjoncture. On lui doit aussi la création du Syndicat intercommunal de l'agglomération orléanaise (S.I.V.O.M.), qui devait connaître un si utile développement.
Le mot de Goethe, qu'il citait, nous paraît résumer l'ambition qui fut la sienne et qu'il réalisa : “Penser est facile. Agir est difficile. Agir suivant sa pensée est ce qu'il y a au monde de plus difficile.”
Lionel MARMIN,
Secrétaire général honoraire
de la Ville d'Orléans (1956-1976).