“Péguy soldat de la vérité
P 13
“Péguy soldat de la vérité
P 13
Ce livre a été écrit pendant l'été, puis l'automne 1939.
C'était un livre pour une avant-guerre, qui eût fait pendant à l'autre, celle que Péguy a ponctuée de sa mort.
Les événements ont été plus vite que moi. L'histoire s'est brusquement irritée ; elle a fondu sur la table des écrivains et des poètes, qui jouaient avec le feu des pensées, comme s'il ne pouvait pas, ce feu, par un matin de septembre, se communiquer aux choses du monde.
Rien n’a pourtant été changé à cet ouvrage. Péguy m'assignait un cadre : celui de sa personne et de son oeuvre. Je n'ai pas même voulu pousser ma réflexion jusqu'au “s'il était encore là” qui m'eût jeté dans les folles hypothèses. Que ce livre soit actuel, que les hommes d'aujourd'hui puissent s'y regarder comme dans un miroir, je le crois. Je n'y suis pour rien . Je ne
pouvais empêcher que la pensée de Péguy, quoique attachée aux moeurs d'une époque, fût en même temps ouverte sur l'avenir.
Avec lui, avec tant d'autres épis moissonnés, s'est achevée une France. Si j'avais à imaginer malgré tout la survivance de cet homme, ce serait aujourd'hui, au plein des épreuves. Son génie ne prospérait pas dans la
facilité. Sa fonction était de peine et de misère. Bien plus que n'avait tait la victoire, la défaite nous remet dans son sillage. L'événement donne à son oeuvre une signification qu'une paix menteuse nous dissimulait.
Aujourd'hui, les mots de Péguy éclatent en nous comme des bombes , à retardement. Lui-même se hausse au rang de porte-parole d'une communauté douloureuse.
A ma mère
qui apprit le catéchisme avec Charles Péguy à Saint Aignan et à la mémoire de mon beau-père Edmond Carré, qui fut l’un des premiers abonnés des Cahiers de la Quinzaine.